"Un jour ils te prendront", disait Marguerite, sa femme. Un jour ils sont venu le prendre.
Le dernier dimanche du mois de septembre, les gendarmes de Châteauneuf sont venus à Kersalut. Le maréchal des logis Le Blévennec a averti Marguerite de la menace qui pesait sur Jean-Louis.
-Il va encore monter sur la pierre et faire un sermon. Dites-lui que nous avons ordre de l'arrêter.
Qu'il s'en aille!
Prévenu par sa femme, Jean-Louis a sauté sur sa bicyclette. Il est allé se réfugier chez un cultivateur de Plounéour-Menez, ensuite chez un marchand de chevaux puis à Camaret. Il regagne ensuite les Monts d'Arrée et se cache chez Pierre Plassard et sa mère Marc'harit Bihan, au village de Trédudon-le-moine.
De ce repaire, il continue d'animer la résistance. Depuis juillet 1943, il est capitaine FTP par décision du comité militaire interrégional, et chargé de l'organisation et de l'action des groupes paysans du Finistère. A la même époque, il a été nommé membre du comité militaire départemental des francs-tireurs et partisans français.
Trédudon-le-Moine est un endroit exceptionnel. Deux résistants des Mont d'Arrée, Pierre Lachuer et Jean Kerdoncuff le disent mieux que personne:
"Le village de Trédudon-le-Moine est accroché comme un nid au versant sud de la montagne. Dès les premiers jours de l'occupation, les trente-deux foyers de ce village et les fermes environnantes deviennent pendant près de quatre très longues années un bastion de l'organisation clandestine du Front National, de l'OS et de FTPF. C'est une base de refuge, une base de propagante et d'organisation, une base opérationnelle.
Les sacrifices imposés à Trédudon et à son secteur ont été à la mesure de l'action menée par ses habitants dans le dur, très dur environnement de la clandestinité, au péril de l'ennemi et de ceux qui lui était soumis: 29 fusillés, 16 déportés dont 10 camarades morts en déportation, 11 tués au combat, 1 disparu. Tous martyrs de la résistance.
L'état-major du Front National(FTP), à Paris, a décerné au village de Trédudon-le-Moine, en Berrien, le titre de "premier village résistant de France".
Au Front National, Jean-Louis Berthélémé prend alors des responsabilités majeures. Il doit remplacer Bernard Paumier dans le Cher. Bernard Paumier est en charge de la paysannerie au niveau national.
Mais cela ne se fera pas, car entre temps il reviendra à Kersalut et il se fera arrêter.
Cette fois il attend huit aviateurs que Louis Haïs et Marcel Berri doivent lui confier afin de les mener en lieu sûr. Dans la soirée du 9 novembre 1943, il fait halte au domicile du vétérinaire de Châteauneuf qui l'informe du report de l'entreprise, le retient à dîner et lui propose un lit. Mais Jean-Louis refuse.
Il était tard, vers une heure du matin il est arrivé à Kersalut.
-A cette heure je ne crains rien, a-t-il dit à sa famille.
Il avait sur lui son pistolet d'ordonnance.
-D'où tu viens? demande Marguerite.
Il a entendu du bruit. Il est allé à la fenêtre.
-Merde c'est les frisés.
Il est monté au grenier. Il a regardé par la lucarne. La maison est cernée. Il a caché le revolver dans un tas de blé.
Une trentaine de Feldgendarmes, l'adjudant Gerhart Albert de Châteaulin en tête, investissent Kersalut et occupent toute la route de Plonévez.
Une trahison? Jean-Louis n'était pas attendu à Kersalut ce soir là.
En bas les "boches" ont tiré dans le grenier. Il y a encore la trace des balles. Craignant la riposte, ils exigent que Marguerite les précèdent dans l'escalier.
Alors Jean-Louis descend lentement et se rend. Il sera conduit à la prison de Quimper.